mercredi 5 mars 2014

Une rencontre

77 photo 77IMG_3873_zpsd20bed05.jpg Chandler, avril 2009

Merci à Claudialucia pour m’avoir introduite au livre de Martine Mairal sur la vie de Marie de Gournay vouée aux Essais de Montaigne. Que rajouter à son merveilleux article sur « L’Obèle » (clic) ? Citer, très certainement, les moments forts de ma propre lecture. 

Tout d’abord l’actualité de bien des passages comme celui-ci émanant de Montaigne : « Nous vivons de ces temps sauvages où les religions vouées aux extrêmes par les intérêts du siècle exigent de l’humanité un tribut sanglant pour affermir leurs autels. Des religions censément faites pour entrainer les hommes à la communion, qui s’opposent furieusement et guerroyent à feu et à sang sites, bourgs et familles, dévastant au nom de Dieu les accointances les plus anciennes, nous jetant dans un branle furieux ou l’esprit vacille comme flamme en courant d’air. » A noter également une préoccupation déjà d’époque : l’égalité entre hommes et femmes vue par Montaigne, une idée soutenue par Marie de Gournay « Les femmes n’ont pas tort de tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d’autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles. » A méditer.

L’emploi des mots requérant dans mon cas le constant emploi d’un dictionnaire. Je ne serais jamais venue au bout de ce livre si je les avais tous sondés… Mais une recherche également due à certaines lacunes de mon côté sans aucun doute. Des exemples? Batrachomyomachie , embéguinée, malengroin, rassotée… mais quelle beauté et richesse de langage. 

Des moments amusants comme cette phrase en latin de cuisine prise à Rabelais : « omnis clocha clochabilis in clocherio clochando ; clochans clochativo, clochare facit clochabiliter clochandis. » 

A noter encore l’intensité du temps qui passe : 4 années de rencontres (1588- 1592) entre Marie de Gournay et Michel de Montaigne, des détails historiques sous le règne d’Henri III. La beauté de l’amitié comme ici venant de Montaigne « …c’est un don. Un élan qui vous prend tout entier. D’esprit, d’idées, de cœur, de peau, de corps et d’âme. .. » 

Pour conclure je reste toutefois avec un certain malaise, celui de me poser des questions sur un tel parcours de vie de la part de Marie de Gournay ! Une vie passée à la lecture et à l’écriture, dans l’ombre des essais de Montaigne. Je reprendrai ici une pensée de Pierre Bourgeade dans L’empire des livres : « Préférer la vie aux livres ou les livres à la vie ? » Ou bien faut-il se rallier au fait que nous ne nous trouvons ni à l’époque ni dans la peau même de Marie ? 
Chapeau à Martine Mairal qui a su restituer tant de sentiments, de courage, un hymne à l’écriture et à la foi dans l’homme. 

*L’obèle : Petit trait servant à signaler un passage interpolé sur les manuscrits anciens.


« Voyez ce signe, Marie. Trois traits y suffisent. Une barre verticale ferrée de deux traits brefs à chaque extrémité… » Montaigne

6 commentaires:

  1. Une lecture qui me tente, pour toutes les raisons que tu énonces (Y compris le goût des mots , bien sûr)
    sans oublier ce qu'apporte le titre.

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  2. Bonjour, Thérèse.

    Expression d'une grande importance.
    Photographie fascinante.

    Passez une bonne journée. Du Japon, ruma ❀

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  3. J'aime beaucoup ton billet qui montre bien toute l'actualité de Montaigne! On a vraiment l'impression, parfois, de lire un contemporain si ce n'est le langage qui est aussi un des plaisirs de la lecture.
    Moi je peux la comprendre cette femme. A partir du moment où elle ne pouvait pas choisir son mari et où elle aurait été sous tutelle et certainement empêchée d'étudier, de
    lire etc.. il valait mieux rester libre.
    D'ailleurs, toutes les femmes n'ont pas besoin pour se réaliser d'être épouse ou mère! et Marie de Gournay a tout de même eu une vie sociale, elle tenait un salon et a eu une vie intellectuelle riche. Elle a été active, éditrice et écrivaine. Elle n'a donc pas renoncé à la vie pour les livres mais les livres ont enrichi sa vie!

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  4. J'ai bien envie de lire ce livre et merci de me l'avoir présenté.
    ***
    Qui sont ces nageurs invisibles au tuba de paille, venus en ces lieux, hanter nos souvenirs.
    Je partage l'avis de mon ami Ruma, cette photo me fascine aussi.

    Amitiés.

    Roger

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  5. J'ai passé un bon moment à lire ton billet et celui de Claudialucie.
    Montaigne est toujours d'actualité!
    Bonne semaine

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  6. Toute cloche apte à clocher, clochant dans un clocher en clochant, fait clocher par sa vertu clochative clochabiliter clochantes,
    celles qui clochent clochablement...

    Le parallèle entre la photo (absolument magique) et la dernière phrase est saisissant.

    J'ai vu chez Claudialucia que ce livre pouvait voyager. Crois-tu qu'il soit encore temps ?

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